Si l'on ne peut dire, l'on peut toujours écrire…
Et aussi si l'on ne peut pas écrire, on toujours dire, n'est-ce pas ?
Jacqueline 89 ans
LES ATELIERS INTERGÉNÉRATIONNELS
Les objectifs
Sensibiliser les enfants et les adolescents au Grand Âge
Transmettre les savoirs et témoignages des personnes âgées, valoriser
leurs expériences
Prévenir l’isolement des personnes âgées
Pérenniser les
rencontres intergénérationnelles au sein des structures
École - Collège
- Maison de Retraite d’un même arrondissement ou quartier
La dynamique des âges
Les âges ont leur force propre. Il est de plus en
plus rare que la famille offre cet échange si précieux entre ceux qui
découvrent, ceux qui apprennent et ceux qui ont tant à faire découvrir et à
transmettre. Notre époque faite d'accélération, de tension, de rupture,
d'isolement rend plus important que jamais la conservation ou la création de ce
lien entre les générations. Les mots s'empruntent, se donnent, se
redonnent ; les idées se forment et se transforment, se frayent un chemin. Les
générations s'effacent peu à peu au profit des individualités. Ce lien
renforce tous ceux qui le tissent. Rien de plus naturel ensuite que ces
mains qui écrivent, rien de plus semblable que ces regards sur la feuille,
rien de plus magique que ces silences partagés.
Les Ateliers intergénérationnels des Écritures
Buissonnières, n'ont pas d'autre but que de faciliter et multiplier ces
passerelles : c'est la dynamique des âges.
L’association Écritures Buissonnières,
20 ans avec les élèves d'École élémentaire et de
Collège. 20 ans aussi que nous contribuons à initier les plus jeunes au «Vivre
ensemble».
En éditant "Les petites conversations
intergénérationnelles", nous offrons aux jeunes de faire « main dans
la main » avec le Grand Âge.
"Les Petites Conversations
intergénérationnelles", un
projet pour favoriser la porosité entre les jeunes et les moins jeunes.
Le livret Les Petites Conversations,
ludique et esthétique, conçu pour que les jeunes suscitent les souvenirs d'une
personne âgée au fil de l’eau. Organisé par thèmes : origine du nom, éducation,
métier, fêtes, guerres, voyages, loisirs, famille, religion…. On y parle
généalogie, événements marquants de la société, anecdotes, beaucoup, beaucoup
d'anecdotes ... Sur le livret, on écrit, on colle des photos, on dessine.
L'action des Écritures
Buissonnières, avec les acteurs politiques et éducatifs, est d'offrir aux
enfants et aux adolescents l'occasion de s'engager pour la première fois de
leur vie dans un projet à la fois sensible et heureux.
Animation d'un atelier intergénérationnel - contact@ecritures-buissonnieres.fr
LES ATELIERS EN INSTITUTION
Dans le secteur médical, l’expression qu’elle soit
orale ou écrite est reconnue comme étant une activité cérébrale incontournable
et des plus bénéfiques pour l’équilibre, le bien-être des personnes
âgées.
Forte d’une expérience de 20
ans, les ateliers d’écriture Écritures Buissonnières ont été étudiés pour être
accessibles à tous, quelle que soit la perte d’autonomie.
LES ATELIERS EN GROUPE
Le procédé est simple : deux fois par mois, nous choisissons ensemble un thème sur lequel nous allons travailler. Il peut s'agir des conditions de vie d’autrefois, des métiers pratiqués, d’un événement marquant de l'Histoire, les petits riens de la vie, drôles, tragiques, étonnants, ordinaires ou extraordinaires, d’une histoire de famille, d’un premier baiser ou d’une partie de pêche.
La conversation est alors lancée et chacun s'exprime sur le sujet tandis que nous prenons en note chaque souvenir. Personne n'est oublié ni mis de côté : la parole est donnée à chacun à tour de rôle.
Au fur et à mesure des rencontres, le fruit de nos conversations devient un ouvrage dont l'avancement est lu chaque semaine, complété, corrigé.
Si certains des participants émettent le désir de participer à l'écriture, ils sont inclus dans le travail. Chacun se voit confier une tâche en fonction de ses envies et de ses possibilités. Elles peuvent aller simplement du récit à la recherche de photos, à l'envie de dessiner son souvenir ou de retrouver les paroles d'une chanson ou d'un poème.
Les bienfaits de cette activité sont multiples : les relations sociales se fortifient, la mémoire est mise à contribution, et surtout, chacun est conscient de participer à un projet de vie stimulant.
Animation d'un atelier intergénérationnel - contact@ecritures-buissonnieres.fr
LES ATELIERS INDIVIDUELS
LES CONVERSATIONS QUI S'ÉCRIVENT
Une personne âgée ressent vitalement le besoin d’évoquer son passé d’exprimer et de communiquer des émotions, de bénéficier d’une écoute attentive, de partager et de transmettre son expérience, d’affirmer son identité, de valoriser son vécu.
Les petites conversations individuelles, qu’est-ce que c’est ? C'est en premier une rencontre avec l'une de nos animatrices et un moment heureux.
En utilisant comme support un livret de 86 pages réunissant un grand choix de questions, l'animatrice-gériatrique assiste la personne âgée dans la restitution de ses grands et petits souvenirs.
L’objectif de cette activité individuelle est bien de donner du plaisir à celui qui y participe.
Stimuler la mémoire, raviver des désirs, exercer la concentration dans le plaisir et toujours le sourire, sans fatigue, c’est permettre au participant de cette activité de reprendre goût à la vie, d'être tout simplement heureux, mais aussi de jouer un rôle utile: un rôle social. Par la voix qu’il nous donne à entendre, la personne âgée nous permet de mieux grandir, de vieillir nous aussi !
Animation d'un atelier intergénérationnel - contact@ecritures-buissonnieres.fr
Il fait si bon vieillir…
Mon silence sans doute
en disait trop. Une fois encore, elle a semblé percevoir une once de reproche dans
mon regard – comme si je trouvais choquant que l’empreinte de la mort soit
disposée nonchalamment au milieu de trois vieilles femmes. Trouvais-je choquant
ce vestige d’une femme qui était assise à leurs côtés, sur ces mêmes chaises,
trois jours plus tôt ? Trouvais-je choquant que leur soit imposée l’évidence: «
Bientôt ce sera votre tour… » ? Trouvais-je choquant que ces trois femmes
soient considérées comme suffisamment amoindries pour ne pas avoir conscience
de leur condition, pour ne pas être angoissées par une échéance placée
constamment sous leurs yeux, se rappelant à leur bon souvenir : « Bientôt ce
sera votre tour… » ? Trouvais-je que ces restes, posés là, n’avaient rien
d’anodin ?
Oui, elle a semblé
percevoir une once de reproche dans mon regard — comme si je considérais ces
femmes comme dignes d’attention. Comme si je les considérais dignes. Comme si
simplement je les considérais.
Devinant vaguement mon
indignation, elle m’a aimablement rassurée : « Ils ne s’en rendent pas compte
vous savez, ils sont vieux, ça ne les dérange pas… »
Aujourd’hui, mesdames, messieurs, j’accuse
la société de reléguer ses mères, ses pères aux oubliettes. Je pense, oui,
qu’il est choquant et même injustifiable que des individus dits « personnes âgées
» soient entassés à trois dans des chambres froides et étroites.
Je
pense qu’il est bien triste que certaines maisons de retraite – pardon, établissements
d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes – soient devenues des asiles
clos et malsains. Je pense qu’il est anormal que la qualification du personnel
varie d’un centre à un autre, et que les services de qualité soient encore trop
peu répandus.
Je pense qu’il est
indigne de notre société d’avoir à ce point honte de ses vieux devenus inutiles
qu’elle les cloître autoritairement. Je
pense qu’il est inacceptable que ces personnes soient considérées comme des
enfants, voire comme des objets.
C’est nous qui sommes
les enfants, mesdames, messieurs, nous qui leur devons tout.
Nous avons été protégés par nos parents durant
toute notre enfance. Maintenant que nous n’en avons plus besoin, que les rôles
pourraient être échangés, pourquoi prendre la peine de leur rendre la pareille
?
Comment peut-on penser qu’une personne âgée
n’a plus rien à nous apporter ? Un regard autre, qui a connu d’autres valeurs
et qui a su acquérir une sagesse particulière ne nous est-il plus nécessaire ?
N’a-t-on pas besoin de se remettre en
question auprès d’une simplicité revendiquée par ces personnes ? Finalement, il
me semble parfois que, contrairement aux clichés que véhicule notre société, ce
ne sont pas eux les assistés, mais bel et bien nous…
Bien évidemment, il
n’y a pas un seul type de personne âgée. Mais, de nous aux personnes âgées, il
n’y a qu’une figure : l’être humain. Il serait bon de ne pas l’oublier.
Nous sommes plongés dans une loi du plus
fort, dans une course au profit et à l’efficacité, à la rentabilité, la rapidité,
qui évince et dévalorise la vieillesse de notre société.
Dès lors que les
portes de la redoutable maison de retraite sont franchies, le statut de la
personne change. On n’est plus un être humain mais un « résident ».
Je ne cherche pas à généraliser. Les
conditions de vie en maisons de retraite que je dénonce ne s’appliquent
heureusement pas à tous les établissements. Mais ceux dans lesquels l’on peut
attendre un minimum de respect, lorsqu’ils ne sont pas hors de prix, affichent
bien souvent complet. De même, bien sûr, tous les aides-soignants ne sont pas
des irresponsables insensibles. Mais si certains le sont bel et bien, beaucoup
d’autres n’ont peut-être pas le choix… Parce que l’intégralité du système médical
public est gérée en amont.
Au-delà d’un personnel
peu consciencieux, c’est l’État le plus responsable, qui de sa jouvence immaculée,
ne perçoit rien d’autre que des chiffres un peu flous. Une aide-soignante pour
quatre-vingts pensionnaires, qu’est-ce que c’est ? Ce sont des économies en
plus, et si ça doit être au détriment de vies humaines, qu’à cela ne tienne ?
Quelle importance que des êtres humains pourrissent dans des geôles
impersonnelles, dans une souffrance qui pourtant serait évitable, quelle
importance que de vieilles femmes incontinentes soient parquées dans leurs lits
par manque de temps ? Quelle importance que le personnel n’ait pas le temps de
veiller à ce que ces personnes prennent les repas qui ont été balancés à la hâte
dans leur chambre, si bien que les hospitalisations pour déshydratation sévère
fassent désormais partie de la routine ? Quelle importance aussi que des
pensionnaires soient, au nom de leur prétendue sénilité, gavés de médicaments
lourds et nocifs, et surtout injustifiés ?
Ces réalités durement
envisageables sembleraient tout droit sorties d’un film tel que « Vol au-dessus
d’un nid de coucou », qui dépeint la douleur extrême des « asiles de fous » à
une époque où les maladies mentales étaient considérées comme honteuses et
dangereusement incurables… Et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître,
celles dont je vous parle sont perpétrées aujourd’hui plus que jamais, sur des
individus inoffensifs et vulnérables et dans des lieux clos à l’atmosphère
insupportable. Comment ne pas se dégrader lorsque l’on n’est plus traité comme
un être humain, et surtout, comment garder un semblant de dignité dans une
telle situation ?
Il est inacceptable
que des établissements pour personnes âgées soient devenus des entreprises à
but lucratif. Là où le seul maître mot devrait être bien-être et entraide,
c’est l’argent qui régit la vie de personnes considérées comme « en fin de vie »,
et c’est ce seul titre qui fait s’imaginer à certains que leurs dérives et abus
sont justifiés.
Le Président, Monsieur
Sarkozy nous avait promis, au début de son mandat, un nouveau dispositif de
financement de la prise en charge de la perte d’autonomie. Nous l’attendons
toujours. Nous l’attendons et, avec nous, des millions de personnes âgées délaissées
et abandonnées à leur souffrance.
Ces dérives ne sont pas seulement
immorales, elles vont aussi à l’encontre de la Déclaration Universelle des
droits de l’homme.
Le premier article, en effet, stipule
clairement que : tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits et qu’ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les
uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Que l’on m’explique où
est la fraternité dans le fait de se considérer supérieur à d’autres êtres
humains, sentiment simplement appuyé par leur situation physique. Que l’on
m’explique aussi dans quelle mesure l’on peut dire d’une personne retenue
contre son gré en maison de retraite, qu’elle est libre. Que l’on me dise
quelle dignité il reste à quelqu’un dont la présence en établissement va dans
l’imaginaire collectif automatiquement de pair avec une dégradation
intellectuelle, voire une sénilité aiguë.
Qu’enfin l’on me justifie la distinction
qui s’est peu à peu creusée entre les droits de l’homme, et les droits de la
personne âgée. Ne sommes-nous plus humains lorsque nous vieillissons ?
Je souhaiterais
comprendre, Mesdames et Messieurs, pourquoi la plupart des personnes âgées se
voient forcées de renoncer à ces droits fondamentaux.
L’article 5 de la déclaration, quant à lui,
ne fait qu’appuyer mon incompréhension :
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Pourquoi l’État, la société, les citoyens,
tolèrent-ils que ce principe soit bafoué chaque jour, au sein même du pays des
droits de l’homme ?
Pays des droits de l’homme … Il est beau,
le pays des droits de l’homme, pas même capable de respecter ses racines.
Notre belle patrie, qui se veut à son plus
haut degré de civilisation, également dans la manière dont elle fait respecter
ses lois (et ses droits, cela va sans dire), en oublie peu à peu que tout ce
qui constitue les anciennes coutumes n’est pas bon à jeter.
Les coutumes amérindiennes par exemple, qui
ont conservé leur sens du respect traditionnel, me paraissent hautement plus
louables que celles de notre société actuelle.
Dans
la tradition amérindienne, le vieux sage est capable d’enchanter, de favoriser
le rêve, de deviser à voix haute, d’initier, de transmettre, de conseiller, de
montrer le chemin, de rendre compte de l’Histoire…
De notre côté, aujourd’hui, une personne qui vieillit perd de
son utilité et de son efficacité. Elle est amoindrie, c’est là le seul statut
qu’on lui reconnaît. Comment accorder son estime à quelqu’un à qui on refuse
seulement l’écoute ?
Mais le plus dérangeant
sans doute, c’est que dans l’ensemble de notre société, qui prône et magnifie
l’éternelle jeunesse, la vieillesse soit vue aujourd’hui comme une échéance
cruelle et insurmontable, comme une épreuve douloureuse et non plus comme une étape
naturelle de la vie d’un homme.
Des solutions
existent. Nous devons faire face à l’inacceptable et ne pas oublier qu’un jour,
bientôt, à nous aussi, ce sera notre tour…
Je demande, Mesdames et Messieurs, au nom
de tous ceux qui souffrent depuis trop longtemps, une hausse réelle du
personnel dans notre société.
Je demande à ce que bien-être et
traitements respectueux ne soient pas des services qui se monnayent, mais à ce
qu’ils soient accessibles à tous.
Je demande à ce que maison de retraite ne
soit plus synonyme d’hospice ni de mouroir, mais de lieu d’accueil solidaire et
fraternel.
Je demande la dignité.